L’interaction avec d’autres prestations (aides au logement, prime d’activité), est un peu complexe à détailler mais quelques études de cas types sur un couple sans enfant montre que la suppression de l’ASS ferait perdre entre 100€ et 150€ par mois pour un ménage dont un des conjoints travaille au SMIC (entre 60% et un temps plein) et où l’autre est sans revenu, ce qui peut représenter 5% à 10% des revenus du ménage.
Bien sûr la mesure touchera également les ménages avec enfants (un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté en France, avant cette réforme).
Comme l’ASS est différentielle, la mesure n’affectera que des ménages modestes. Au-dessus d’un certain niveau de revenu elle n’aura aucun impact.
Il y a d’autres différences entre ASS et RSA, notamment le fait qu’une personne allocataire de l’ASS valide des trimestres de retraite ce qui n’est pas automatique et beaucoup plus limité pour quelqu’un au RSA (le chômage non indemnisé qui suit une période de chômage indemnisé permet de valider des trimestres dans la limite d’un an seulement). Le contrôle, les formalités administratives (la demande est trimestrielle), et les obligations des allocataires du RSA peuvent également être plus contraignants au RSA qu’à l’ASS. Enfin le RSA est financé par les départements tandis que l’ASS est directement financé par l’Etat, ce qui peut aussi être un enjeu de cette annonce.
Commentaire
Cohérente avec la politique mise en œuvre par le gouvernement depuis plusieurs années (diminution de l’indemnisation chômage en montant et durée), la politique vise à dégrader les conditions de vie déjà précaires des personnes modestes et pauvres en dehors de l’emploi pour creuser l’écart (déjà existant) avec les personnes en emploi à temps plein.
Cette politique peut répondre à deux objectifs :
– un objectif de punition sociale des personnes hors de l’emploi pour récompenser implicitement celles qui en ont un : il s’agit de faire en sorte que la vie des personnes hors de l’emploi soit la moins vivable possible, ou dit autrement de « valoriser » l’emploi rémunéré, sans l’augmenter lui-même, mais en creusant l’écart avec celles et ceux qui n’en ont pas.
– un objectif d’incitation : en dégradant les conditions de vie hors de l’emploi on pousse les personnes à accepter tout type d’activité, même dans des conditions de travail et de rémunération très dégradées. Ce deuxième objectif repose sur le postulat qu’une partie du chômage (en l’occurrence de longue durée) est volontaire et repose sur un calcul rationnel, et que des emplois sont disponibles mais refusés massivement par les personnes au chômage. Aucune étude disponible ne permet de dire quelle est la part des personnes touchée qui pourrait retrouver un emploi et quelle est la part (vraisemblablement une grande majorité) qui verront simplement leur situation sociale se dégrader davantage.
On peut aussi y voir un objectif de « simplification » qui consiste à supprimer une mesure d’aide sociale, proche dans sa fonction d’autres dispositifs existants. Cette idée peut se discuter, mais quand on veut juste simplifier un dispositif, on s’arrange en général pour que les personnes concernées n’y perdent pas 5% de leur revenu (imaginez une « simplification fiscale » qui augmenterait de 5% les prélèvements sur les entreprises…)
Enfin, la DREES signale que plus d’un allocataire sur deux de l’ASS a plus de 50 ans. Autrement dit, cette mesure va se combiner à la réforme des retraites d’une part et au raccourcissement de la durée d’indemnisation du chômage des seniors pour diminuer la protection sociale des seniors hors de l’emploi (principalement des ouvriers et des employés, femmes et hommes). Pour une partie d’entre elles et eux (surement la plus nombreuse), cela se traduira par une précarité accrue dans la période qui sépare l’emploi de la retraite. Pour d’autre cette évolution poussera sans doute à une reprise d’emploi, vraisemblablement sous forme de « petits boulots » en attendant la retraite, comme cela existe fréquemment dans certains pays étrangers.