Spécificités locales et recherches d’harmonisations
Olivier Richefou (Président du Conseil départemental de la Mayenne et Vice-Président de l’ADF), insiste sur les fortes disparités territoriales dans la prise en charge de la dépendance. Selon lui, l’APA et l’ASH, financées par les départements, révèlent des écarts considérables : pour un même GIR, les montants alloués peuvent varier du simple au double, et pour le handicap, d’un à trois. Ces différences tiennent à la diversité des pratiques d’évaluation, réalisées par des équipes pluridisciplinaires qui n’ont pas les mêmes habitudes ni les mêmes critères. Même au sein d’un département, il n’est pas rare de constater des divergences entre équipes. Pour réduire ces inégalités, les départements travaillent avec la CNSA, qui joue un rôle de régulation et propose des paniers moyens afin d’harmoniser les allocations. Il souligne également la diversité des publics et des acteurs impliqués : EHPAD, résidences autonomie, habitats partagés ou intermédiaires. Cette pluralité rend nécessaire un effort de convergence pour garantir une réponse homogène.
Olivier Richefou aborde ensuite la question de l’attractivité des métiers de la dépendance. Les revalorisations salariales issues du Ségur de la santé ont constitué une avancée, mais la formation reste insuffisante et la mobilité problématique : les aides à domicile utilisent souvent leur véhicule personnel pour se rendre chez les bénéficiaires, sans compensation pour ce temps de travail masqué. Pour y remédier, la CNSA a déployé une enveloppe de 100 millions d’euros destinée à soutenir la mobilité. En Mayenne, des véhicules électriques sont mis à disposition des services d’aide à domicile, financés conjointement par le département et les employeurs, ce qui illustre une initiative concrète pour améliorer les conditions de travail.
Enfin, Olivier Richefou insiste sur la nécessité de mieux centraliser les données. Hormis celles transmises par la Drees, les départements disposent de peu d’informations consolidées. La CNSA porte le projet d’un système d’information commun aux MDPH, qui devrait fournir des données fiables et récentes. Olivier Richefou conclut en rappelant que le vieillissement de la population accroît les besoins, dans un contexte budgétaire contraint. La construction d’EHPAD pourrait ralentir, au profit de solutions intermédiaires moins coûteuses et plus adaptées aux attentes des usagers. Il évoque aussi la possibilité d’une contribution financière accrue des bénéficiaires, notamment via leur patrimoine, et cite l’exemple des tarifs différenciés en EHPAD, modulés selon la capacité contributive.
Véronique Levieux (Adjointe à la Maire de Paris en charge des seniors et des solidarités intergénérationnelles), insiste sur la spécificité de la capitale, à la fois commune et département, qui concentre plus de 480 000 personnes âgées de plus de 60 ans, majoritairement des femmes. Elle souligne que Paris connaît la même tendance de vieillissement que le reste du pays, mais avec des disparités fortes entre arrondissements et une densité urbaine qui accentue les vulnérabilités. En lien avec l’ARS, la municipalité anticipe ces évolutions, notamment avec la construction de deux nouveaux EHPAD, qui viendront s’ajouter aux 79 existants (une quinzaine est gérée par le CASVP). Ces établissements sont envisagés comme lieux de soins mais aussi comme pôles de vie et de ressources, capables de fédérer les acteurs du domicile et de la filière gérontologique. Il est nécessaire de diversifier l’offre, notamment pour les personnes atteintes d’Alzheimer, avec des projets de maisonnées inspirées du village de Dax, malgré la contrainte foncière très lourde à Paris. La fragilité économique des seniors parisiens est aussi un facteur marquant : si certains comptent parmi les plus aisés, d’autres vivent dans une grande précarité, souvent au minimum vieillesse. Le départ à la retraite est ainsi une période critique, marquée par une perte de repères sociaux et financiers. Pour répondre à cette diversité, Paris s’appuie sur les maisons des solidarités présentes dans chaque arrondissement, véritables portes d’accès aux droits et socles de proximité pour l’écoute et l’orientation. Véronique Levieux insiste sur l’importance des démarches « d’aller vers » pour réduire le non-recours aux droits, en établissant un lien de confiance avec des personnes âgées souvent repliées sur elles-mêmes.
La prévention, qui constitue un autre axe majeur, est financée à hauteur de plus de 6 millions d’euros par an via la commission des financeurs de la perte d’autonomie. Ces crédits permettent d’agir sur l’adaptation des logements, la lutte contre l’isolement et le soutien de projets localisés, notamment dans les quartiers où la précarité des seniors est croissante. Les bailleurs sociaux jouent un rôle clé : la RIVP et Paris Habitat ont développé des stratégies de longévité, recrutant des ergothérapeutes pour diagnostiquer les besoins et adapter les logements. Le parc privé reste plus difficile à mobiliser, mais des dispositifs comme MaPrimeAdapt’ ou l’action de SOLIHA apportent un soutien. Véronique Levieux conclut en rappelant que les seniors parisiens ne sont pas uniquement des bénéficiaires de politiques sociales, ils sont aussi des citoyens actifs, bénévoles et engagés, qui doivent être accompagnés tout au long de leur parcours de vie.
Retrouvez la retranscription détaillée des échanges entre Camille Chaserant, Hélène Amieva, Catherine Jeantet, Mathieu Lefebvre, Véronique Levieux, Elsa Perdrix et Olivier Richefou :
Retranscription détaillée des échanges entre Camille Chaserant, Hélène Amieva, Catherine Jeantet, Mathieu Lefebvre, Véronique Levieux, Elsa Perdrix et Olivier Richefou